-
La consanguinité est à la base de la création des races domestiques, mais elle présente des dangers. On la mesure grâce à un nombre qui représente le pourcentage de chance pour un individu d'hériter du même gène à la fois de son père et de sa mère quand ces deniers partagent un ancêtre commun.
-
Une question que se posent toujours les éleveurs est : quelle est la limite à ne pas dépasser ? La réponse est difficile car il existe un paramètre important dans ce calcul : la profondeur de pedigree. Plus on prend de générations en compte, plus on découvre d'ancêtres communs, et plus la consanguinité est importante.
Une première conséquence de ce fait est qu'on ne compare les consanguinités qu'à profondeur de pedigree égal : l'éleveur qui doit choisir entre deux mâles pour sa femelle fait une simulation des deux portées sur la même profondeur et compare. Pendant longtemps, les pedigrees de la SCC ne comportaient que trois générations, on est aujourd'hui passé à cinq.
On fait généralement le calcul suivant : à chaque génération, l'influence d'un ancêtre commun sur la consanguinité est divisée par deux. On en a longtemps déduit que la consanguinité induite par les individus au-delà de cinq générations devait être négligeable.
-
J'ai longtemps pris cette hypothèse pour acquise, jusqu'à ce que l'outil informatique me permette de la vérifier. J'ai la chance d'avoir ce qui je crois est unique dans la cynophilie : une base de données contenant absolument tous les 5 400 chiens de la race nés depuis sa recréation à partir de 1974.
Avec un programme du commerce, il m'a été facile de calculer trois types de consanguinité pour chaque chien : la consanguinité complète sur toutes les générations connues, celle calculée sur 5 génération, et enfin celle calculée sur 3 générations. En additionnant les consanguinités de tous les chiens de l'année, on obtient le tableau ci-dessous :
- en vert : calcul fait sur toutes les générations
- en bleu : calcul fait sur 5 générations
- en jaune : calcul fait sur 3 générations

On constate qu'à partir du début des années 80, la consanguinité visible sur le pedigree d'alors ne reflète plus la consanguinité réelle. Il faut attendre 10 ans de plus pour voir la consanguinité visible sur le pedigree 5 générations diverger par rapport à la consanguinité réelle.
-
Ces résultats amènent plusieurs remarques et des questions :
- D'abord, le choix de la SCC d'augmenter la profondeur des pedigrees de 3 à 5 générations se trouve tout à fait justifié
- Ensuite, l'idée que la consanguinité au-delà de 5 générations soit négligeable est invalidée. Cela s'explique parce qu'à chaque génération, le nombre d'ancêtre double ; un ancêtre commun peut donc se retrouver de nombreuses fois dans le pedigree, et si à chaque fois sa contribution est petite, la multiplicité de ces contributions finit par peser.
On a ainsi des goulets d'étranglement génétique, quand de grands champions font de nombreux chiots, dont les descendants finissent par se marier ; on retrouve ces champions à de multiples endroits dans la généalogie, et l'éleveur qui ne voit pas plus loin que le pedigree de ses reproducteurs ignore cette consanguinité, c'est ce que j'ai appelé la myopie de l'éleveur.
-
Il y a deux questions évidentes que l'on se pose face à un tel tableau :
- Face à un tel écart, est-ce que surveiller la consanguinité sur 5 générations a encore un sens ?
Et la réponse est : oui, plus que jamais. Il existe une consanguinité résiduelle hérité de l'histoire de chaque race, avec ces champions qui ont beaucoup reproduit. Cette consanguinité, nous ne pouvons pas la changer. Mais nous pouvons veiller à ne pas en rajouter une nouvelle. La consanguinité sur 5 générations que l'on peut calculer sur le site de la SCC est donc un facteur important à prendre en compte avant de faire une portée.
Tout de même, plus on a d'information généalogique, mieux c'est. Dans notre race, les éleveurs ont pu voir la généalogie de leurs reproducteurs à partir de 2005. Ils ont en général assez vite compris l'importance d'un choix de reproducteurs peu consanguins, et on voit la courbe s'inverser dès 2007. Sans mesure coercitive, rien qu'en informant les éleveurs, on a réussi à maintenir la bonne santé de la race, dont la preuve est la victoire d'Ignes de la Croix Saint Urbain à l'Open de France de 2016, meilleure chien d'arrêt français de l'année, exploit jamais égalé dans la race !
- La deuxième question soulevée est d'ordre plus général : si plus le pedigree connu est profond, plus la consanguinité est grande, ne trouverait-on pas une consanguinité énorme si on connaissait la généalogie complète de nos chiens ? La réponse est non car il existe des mutations, changements aléatoires sur le génome qui font baisser la consanguinité. Ces mutations sont très rares, donc à l'échelle d'une vie d'éleveur, on n'en tient pas compte. Mais à l'échelle de l'évolution des espèces, elles ne sont pas négligeable, et ce sont elles qui font qu'à partir d'un grand nombre de générations, la contribution des ancêtres communs à la consanguinité est négligeable. Mais ici on ne parle pas de 5 ou 10 générations, plutôt 100 ou 500.