Manon est une chienne braque du Bourbonnais, âgée de six ans et demi, robe
blanche avec quelques truitures fauves, de taille moyenne et bien proportionnée.
Elle me fut offerte, par mon ami Michel, à la suite de la mort accidentelle de
son frère de portée Obélix qui avait eut un début de carrière à la chasse plus
que prometteur. Sa disparition brutale m'avait laissé désemparé comme à chaque
fois qu'un de mes compagnons de chasse me quittait.
Manon avait donc deux ans et demi lorsque je l'eus. Les débuts à la chasse
furent désastreux. N'ayant jamais chassé elle avait peur de tout : peur du coup
de feu, aucun intérêt pour le gibier, marchant sur mes talons toute tremblante.
Le déclic survint après une dizaine de sorties lorsque, un jour, complaisamment
un perdreau fusa des genêts et que je pus culbuter. Prenant Manon en laisse,
toujours aussi craintive je l'amenais sur l'oiseau encore frémissant. Elle s'en
approcha prudemment, le huma du bout de sa truffe. Alors sa petite queue s'agita
timidement.
Je l'excitais en déplaçant le perdreau, elle s'en saisit délicatement, le reposa,
le reprit, vint vers moi et toute frétillante gambada autour de moi. Un grand
pas était franchi.
A l'automne ce furent les sorties au bois, à la recherche des bécasses, chasse
que je pratique depuis plus de quarante ans.
Les progrès de Manon furent très rapides. Quête, avidité a trouver, fermeté de
l'arrêt : tout y était.
Trois saisons de chasse se sont succédées depuis et à ce jour, Manon est au
sommet de son art. Exceptionnelle même. Jugement que je fonde sur mon expérience
acquise au cours de toutes les saisons passées a la queue de dizaines de chiens
que j'ai possédés et suivi a travers bois et taillis.
Bien sur Manon n'est pas une chienne parfaite sur tous gibiers, notamment sur
perdreaux rouges, ces grands piéteurs qui doivent être arrêtés à grande
distance.
Mais dans les bois : une diablesse, faisant l'impasse sur des secteurs qu'elle
ne juge pas favorables, allant chercher l'oiseau la ou il se trouve.
D'un arrêt inébranlable laissant le temps pour s'approcher et se placer
favorablement.
Manon succède dans sa race à plusieurs autres chiens que j'ai possédés. Race qui
m'a séduit depuis plusieurs années et qui m'a apporte beaucoup de satisfaction
et de plaisir. Chiens calmes mais actifs, gardant bien le contact, passionnés et
d'un bon arrêt.
Manon restera pour moi une de mes plus grandes
chiennes bécassières. Je ne dirai pas la plus grande car du haut du paradis
canin tous mes autres chiens qui me regardent pourraient m'en vouloir d'un tel
jugement.
Ce sera une de mes dernières chiennes, la dernière étant sa fille Vrika promise
a un bel avenir du haut de ses 18 mois.
Mais aurai-je encore la possibilité, la vitalité nécessaire pour la suivre ?
L'age étant la il me restera mon vécu, mes souvenirs et j'entendrai toujours en
les évoquant tinter dans ma tête la musique du grelot qui me guide a travers
bois derrière mes inoubliables chiens.
Clumanc, Alpes de Haute Provence, le 11 décembre 2005